L’annonce du groupe BKW de ne payer plus que 4 ct le kWh la reprise du courant, hors éventuelles garanties d’origine, est purement scandaleuse. Qu’il s’agisse du particulier, de l’agriculteur ou de l’industriel, les producteurs d’énergies renouvelables sur liste d’attente ne sont non seulement pas sûrs de recevoir un jour la fameuse rétribution a prix coûtant (RPC), mais en plus le tarif obtenu se situera largement en-dessous des coûts de production.
Producteurs et consommateurs captifs
L’attitude de BKW est clairement inacceptable. Le groupe bernois se cache derrière une décision de la Commission fédérale de l’électricité (ElCom) et argue un prix du marché de 4 ct. Ce dumping des prix du courant vert s’apparente furieusement a un subventionnement masqué d’autres énergies comme le nucléaire. Pourtant, le prix du marché est bien de 11.5 ct, respectivement de 7.95 ct en tarif réduit, lorsque BKW facture à ses clients. Le producteur n’aura donc le choix que d’injecter son courant à 4 ct durant la journée alors qu’il payera 7.95 voire 11.5 ct pour chaque kWh consommé durant la nuit, le matin et le soir.
Le producteur est captif de BKW et ne peut quasiment pas opter pour une autre solution de revente de l’électricité, même pas à son voisin. Il subit donc le diktat des conditions de reprise.
En outre, rien n’est fait pour inciter à utiliser l’énergie photovoltaïque. Les horaires des hauts et bas tarifs n’ont jamais bougé, alors que le bas tarif devrait en toute logique être désormais calé sur la période de production du photovoltaïque. Mais pour BKW, c’est bien plus facile de faire des consommateurs des vaches à traire, au même titre que les producteurs tout autant captifs.
Péril en la demeure
La situation se révèle extrêmement préoccupante pour les producteurs d’énergies vertes. La Confédération se lave les mains et réfute sa responsabilité face aux installations en attente de RPC. Pourtant, le message officiel à tous les niveaux était bien d’investir, quitte à attendre quelques années pour toucher la RPC. Le fait que la date de mise-en-service détermine le niveau de rétribution par kWh démontre clairement que le système poussait pertinemment à faire investir le plus vite possible. Aujourd’hui, l’engorgement de la liste d’attente de la RPC, avec plus de 36 000 installations en rade, impose que des décisions politiques soient prises, au-delà de la stratégie énergétique 2050.
Alors que les projets non réalisés et simplement en attente n’ont rien coûté à leur promoteur, les installations en service doivent impérativement pouvoir bénéficier en priorité de la RPC, à l’instar des biogaz qui passent désormais en tête de liste une fois au bénéfice d’un permis de construire. À défaut, les producteurs photovoltaïques paieront cher leur engagement en faveur de l’environnement et de l’intérêt public.
Quoi qu ’il en soit, tant que l’on ne débranchera pas les centrales nucléaires, les énergies renouvelables se limiteront à se donner bonne conscience. Pour cette raison mais aussi par esprit de responsabilité, le Comité de la Chambre jurassienne d’agriculture soutient l’initiative visant à sortir du nucléaire d’ici 2029, malgré les défis que cela implique.
Michel DARBELLAY,
directeur de la Chambre jurassienne d’agriculture
Article de la Tribune du Quotidien Jurassien du 21.10.2016